Les 4 et 5 février

LA CATHÉDRALE DES COCHONS 

 

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De et par Jean D’Amérique
Accompagné par Lucas Prêleur à la guitare

 

Rendez-vous à 19h30 à la Baignoire
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RÉSUMÉ

Cathédrale des cochons (Théâtrales, 2020) est un poème dramatique, une longue phrase où se déploie la voix d’un poète emprisonné depuis six mois par le régime autoritaire de son pays. Il profite d’une correspondance avec son amoureux pour pousser un long cri de révolte où transparaît une sombre cartographie de sa ville, hachée par la symphonie des fusils et une épouvantable moisson de cadavres.

NOTE DE L’ÉDITEUR

D’une prison haïtienne, une voix s’élève. Elle scande, dans une seule longue phrase, les malheurs du pays : pauvreté, famine, catastrophes naturelles, pouvoir corrompu, église hypocrite.

C’est un cri. Un poème dramatique qui ne cherche pas l’esthétisation de la misère et de la violence politique car le poète les vit, du fond de son cachot de Port-au-Prince. Sa parole emprisonnée résonne d’autant plus qu’on l’a bafouée, empêchée, retenue. Éminemment théâtral par son oralité et son rythme, un poème partition pour un homme au souffle long, comme pour un choeur puissant.

Jean D’Amérique pousse ce cri en écho à d’autres confrères et consoeurs poètes emprisonnés d’hier et d’aujourd’hui : Federico García Lorca, Aslı Erdoğan, Nâzım Hikmet… et la force de son verbe rejoint la subversion de Jean Genet et l’allant d’Aimé Césaire. À lire à haute voix pour faire voler en éclats tous les murs dressés.

NOTE D’INTENTION D’ÉCRITURE

J’ai entamé l’écriture de cette pièce au lendemain d’un massacre d’État dans le quartier populaire La Saline, à Port-au-Prince. Certains dramaturges écrivent avec la « scène » dans la tête, moi j’étais à ce moment acteur d’une vie, ou plutôt d’une mort, plus ardente que le théâtre lui-même, et je tentais le calvaire d’en être le scribe. Je prenais des notes avec les mains tremblantes. Chaque mot, une épreuve, tantôt rythmé par le bruit du clavier, tantôt saccadé par le chant des balles qui façonne les nuits de cette ville. Nous étions aussi à l’orée d’une série de contestations populaires contre le pouvoir en place, les rues étaient chaque jour bondées de gens en colère, j’étais parmi eux, et chaque fois cette valse de poings levés se soldait par un cocktail de morts et de blessés, et chaque fois je sentais alors dans l’air un goût de dictature avec ce régime et sa police. Il fallait que je crache pour reprendre souffle, et c’est là que j’ai commencé à ciseler les phrases, dans une véritable urgence. Le poète en moi est descendu parmi la foule opaque des blessures pour tenter de dresser un phare. Je voulais renouer avec la puissance des mots qui m’a toujours aidé à tenir, car j’ai vu et j’ai vécu beaucoup de violence dans le milieu urbain depuis mon enfance et c’est seulement en écrivant que j’ai commencé à respirer. J’ai d’abord voulu élaborer un portrait de cette ville brisée. Et toute une série de choses m’est revenue : l’ombre du général soleil Jacques Stephen Alexis, immense écrivain englouti par la dictature, ou encore Asli Erdogan, dont le roman Le bâtiment de pierre m’est cher, qui était alors encore en prison en Turquie pour avoir utilisé sa plume contre un régime autoritaire – un peu comme l’ancêtre Nazim Hikmet -, et tant d’autres anonymes dont j’ai croisé les corps inertes au détour d’une sombre ruelle. Je me suis plongé dans la chair de tous ces accusés de poésie. Ainsi, mon personnage, au-delà du récit de sa ville meurtrie par la violence, mène le pari d’une parole érigée contre la répression. Il fait résonner les mots pour essayer de retrouver un souffle, une lumière. C’est là sans doute une perspective qui rejoint ma démarche d’écriture théâtrale : créer des personnages dont la parole poétique est la première arme d’existence.

MISE EN LECTURE

La mise en lecture musicale du texte donne à entendre la perspective d’une voix aux prises avec les ténèbres, un cri nourri de colère qui émerge des abysses pour exploser les barreaux, la nuit barbelée. Il s’agit de mettre en lumière l’urgence de cette parole qui s’élève contre l’oppression, dans le même esprit que la seule et longue phrase qui compose la pièce.

La voix, portée par Jean D’Amérique, se fait accompagner par une création musicale imaginée par le guitariste Lucas Prêleur, aux frontières du blues et du rock, où est mis en relief l’univers du texte, rappelant l’ambiance sonore de la ville de Port-au-Prince, mais aussi de l’enfermement.

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Jean D’Amérique est haïtien. Il est édité aux éditions Cheyne pour sa poésie, aux éditions Théâtrales pour son théâtre et aux éditions Actes Sud pour son premier roman « Soleil à coudre ». De nombreux prix ont déjà couronné sa jeune carrière.